HDA: La Chanson de Craonne.

  • Jeudi 28 janvier, au Théâtre du Péglé à Mont-de-Marsan, représentation du spectacle "La poésie des tranchées": une lecture théâtrale et musicale de lettres de poilus, de poésie (Kremer, Corty; Apollinaire, Fort, Eluard ...) et de chansons populaires.
  • Parmi celles-ci, deux déjà abordées en Education musicale: Quand Madelon et La Chanson de Craonne. Cette dernière chanson est inscrite au programme de l' HDA, quelques rappels historiques.

La Chanson de Craonne

  • Tout d'abord, une version chantée par Marc Ogeret (dans les années 1980):
  • Les paroles telles qu'elles ont été fixées en 1919 par l'écrivain et militant communistes Paul-Vaillant Couturier, pour une chanson qu'il n'avait ni écrite et ni composée et qui portait le titre de Chanson de Lorette (référence à l'offensive menée en Artois (Pas-de-Calais en 1915):

Quand au bout d’huit jours, le repos terminé,
On va reprendre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile.
Mais c’est bien fini, on en a assez,
Personn’ ne veut plus marcher,
Et le cœur bien gros, comm’ dans un sanglot
On dit adieu aux civelots.
Même sans tambour, même sans trompette,
On s’en va là haut en baissant la tête…

Refrain :
Adieu la vie, adieu l’amour,
Adieu toutes les femmes.
C’est bien fini, c’est pour toujours,
De cette guerre infâme.
C’est à Craonne, sur le plateau,
Qu’on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés,
C'est nous les sacrifiés !

Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance,
Pourtant on a l’espérance
Que ce soir viendra la r'lève
Que nous attendons sans trêve.
Soudain, dans la nuit et dans le silence,
On voit quelqu’un qui s’avance,
C’est un officier de chasseurs à pied,
Qui vient pour nous remplacer.
Doucement dans l’ombre, sous la pluie qui tombe,
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes… (au refrain)

C’est malheureux d’voir sur les grands boul’vards
Tous ces gros qui font leur foire ;
Si pour eux la vie est rose,
Pour nous c’est pas la mêm’ chose.
Au lieu de s’cacher, tous ces embusqués,
F’raient mieux d’monter aux tranchées
Pour défendr’ leurs biens, car nous n’avons rien,
Nous autr’s, les pauvr’s purotins.
Tous les camarades sont enterrés là,
Pour défendr’ les biens de ces messieurs-là. (au refrain)

Ceux qu’ont l’pognon, ceux-là r’viendront,
Car c’est pour eux qu’on crève.
Mais c’est fini, car les troufions
Vont tous se mettre en grève.
Ce s’ra votre tour, messieurs les gros,
De monter sur l’plateau,
Car si vous voulez faire la guerre,
Payez-la de votre peau !

 
     
  • Dans les années 1920, le titre devint La Chanson de Craonne et au "plateau" (dernier couplet) fut désormais associé celui du plateau de Californie, qui dominait le village de Craonne dans l'Aisne (et non plus celui de Lorette qui surplombait la bourgade d'Ablain -Saint-Nazaire dans le Pas-de-Calais).
  • Ainsi cette chanson est-elle évolutive. Dès 1915 elle fut colportée par les Poilus dans les différents secteurs du front occidental; les couplets furent modifiés au gré des batailles et/ou des péripéties de la guerre, du témoignage de la vie quotidienne dans les tranchées (la relève par exemple).
  • Les derniers couplets font allusion aux mutineries de 1917 sur le Chemin des Dames dans l'Aisne. Le 16 avril 1917, pendant la guerre de position, le général Nivelle y donna l'ordre de lancer des offensives qui se terminèrent par un échec sanglant. Dans le contexte historique des révolutions russes et des grèves des civils (notamment des salariées, des ouvrières à l'arrière - grèves parisiennes du 20 mai-) cet échec conduit à un refus collectif d'obéissance au sein de plus de la moitié des unités engagées sur le Chemin des Dames.
  • Ces refus collectifs d'obéissance, ces mutineries secouèrent les régiments en mai-juin 1917. Il est important de rappeler qu'il ne s'agit pas d'un refus de la guerre mais d'un rejet d'une certaine pratique de la guerre telle que l'état-major français l'envisageait (attaques répétées et inutiles, offensives très meurtrières qui ne parvenaient pas à enfoncer le front ennemi). Les mutins se comptent dans plus des 2/3 de l'armée, une centaine d'unités; ils sont plutôt jeunes, urbains, qualifiés (instituteurs, employés, commerçants). C'est l'ampleur du mouvement qui oblige l'état-major (parmi les généraux Philippe Pétain) à cesser les attaques inutiles et à accorder davantage de permissions.

Pour aller plus loin, des liens précieux:

  • Un site proposé par des historiens spécialistes de la PGm, le CRID 14-18. Une page spéciale dédiée à La Chanson de Craonne, cliquez  ICI  .
  • Pour Histgeobox, le site dédié aux chansons et à la musique qui fait, raconte, illustre l'histoire, par  LA  . Et tout particulièrement au bas de la page mise en lien, la rubrique "Une relecture des mutineries" rendant compte de l'ouvrage de l'historien André Loez 14-18. Les refus de la guerre. Une histoire des mutins.